LE TEMPS DES JACQUERIES (d'après les travaux de Paul-Jean ROUX Diplômé de l'Ecole Supérieure de Commerce de Montpellier).
A partir de 1360 les campagnes s’agitent à cause du poids des impôts : notamment la Gabelle (impôt sur le sel) de la présence des Anglais, ils se soulèvent contre le roi de France et les seigneurs.
Le roi de France vendit, vers 1374, la juridiction et le château d’Aiguèze à Pons de Biordon, visiteur général des gabelles de l’entrepôt du sel de Pont-Saint-Esprit . C’était un homme fort riche, anobli de fraîche date , fort impopulaire dans la région.
« Un matin du printemps 1382, l’émeute éclate au Pont St Esprit, les paysans venus se ravitailler en sel, assaillent le grenier, brisent les mesures, font main basse sur la marchandise » PONS DE BIORDON, visiteur général des gabelles à Pont St Esprit est aussi co-seigneur d’Aiguèze.
Pons de Biordon dût s’enfuir de Pont-Saint-Esprit. Son beau château d’Aiguèze, qui passait pour imprenable, fut livré aux Tuchins par Etienne Astier, qui en avait la garde, « dans la fête de la Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie, en septembre 1382 » .
Les Tuchins convoitaient cette forteresse pour les réserves de blé, de vin et d’armes qu’elle contenait. Quand ils arrivèrent devant le pont-levis, les quelques gardes qui formaient la garnison étaient tranquillement assis en train de jouer aux tables, avec plusieurs outres de vin (« boutos ») le fameux "muscadet", à leurs côtés. Ils ne résistèrent pas aux nouveaux venus et ils burent tous ensemble de nombreux verres de vin pur .
Les Tuchins firent du « castrum de Ayguedinis » leur place-forte et le quartier général de leurs troupes dans le diocèse d’Uzès. Ils y logeaient au nombre de neuf cents (« nonies cantum »). Ils en restèrent les maîtres pendant plus de quatorze mois. A plusieurs reprises le Pouvoir essaya de parlementer avec eux pour leur faire évacuer cette redoutable forteresse. Ce fut toujours en vain. Au contraire, ils s’emparèrent de plusieurs châteaux du pays dans le courant de l’année 1383. Ils restèrent 14 mois à Aiguèze, à boire, jouer, voler.
Cette situation inquiète et effraye les habitants .
Les nobles de la région se groupèrent alors pour lutter contre les révoltés. Leurs gens d’armes cantonnés à Pont-Saint-Esprit marchaient sous les ordres d’un certain Seigneur Gaudonnet , chevalier, lieutenant du vicomte de Beaufort Turenne, comte d’Alès, baron de Bagnols et de l’évêque d’Agen.
Les hommes de Gaudonnet vinrent de Pont-Saint-Esprit commencer le siège du castrum d’Ayguedinis en décembre 1383. Malgré la résistance des Tuchins, ils s’emparèrent de la formidable forteresse grâce à leur matériel de siège. Quoique les documents soient très laconiques sur cet événement, il est raisonnable de supposer que malgré leurs efforts désespérés, les Tuchins furent forcés dans leur refuge suprême et impitoyablement massacrés après torture, avec un grand nombre d’habitants de la petite ville d’Aiguèze, selon la méthode employée non loin de là par le Seigneur Gaudonnet.
Leurs représailles féroces et leurs exploits terrifiants semèrent l’effroi dans toute la contrée.
La répression fut terrible : les Tuchins furent chassés et massacrès.
Les cultivateurs n’osaient plus se rendre à leurs champs et de ce fait, les vignes, qui n’étaient plus entretenues et qui étaient déjà dans le pays une des principales cultures, ne purent être taillées de deux ans et les terres tombèrent en friches .
PONS DE BIORDON intenta un procès à tous ceux qu’il accusait d’avoir favorisé directement ou indirectement le Tuchinat.
A partir de ce moment-là, on ne vit plus un Tuchin dans Aiguèze et ses environs, systématiquement ravagés et pillés. Et pour éviter le retour possible d’évènements semblables, les Puissances firent démanteler et réduire à l ‘état de ruines le castel dévasté et incendié lors du siège de 1383. Seules quelques salles et une tour furent conservées pour le presbytère avec les restes de la porte d'entrée (le Portail) qui devint la Maison Commune.
La ruine de son château et la misère générale eurent une répercussion funeste sur les destinées de la petite ville d’Aiguèze. Elle ne se releva jamais de cette crise, tombant brusquement au rang d’un petit village. Le dénombrement de 1384 donne 9 feux pour Aiguèze . Les habitants d’Aiguèze virent leurs impôts augmenter pour reconstruire le village.
Sur le site "Au miroir du Tuchinat Relations sociales et réseaux de solidarité dans les communautés languedociennes à la fin du XIVe siècle" de Vincent Challet, on trouve ce passage qui fait référence à notre village :
"Les modalités selon lesquelles s’exerce le partage du butin révèlent également la solidarité et l’égalité des compagnons entre eux puisque chaque individu ayant participé à une opération donnée reçoit une quantité égale, à l’exception des capitaines qui se voient attribuer une part double. Ce procédé est notamment utilisé en ce qui concerne la répartition du blé trouvé dans le château d’Aiguèze, lorsqu’en septembre 1382 cette puissante forteresse qui domine les bords de l’Ardèche tombe entre les mains des Tuchins. Après un recensement préalable des combattants et des quantités de céréales saisies, les capitaines désignèrent un Tuchin qui savait lire et écrire pour faire la distribution et inscrire sur une liste au fur et à mesure les noms des hommes qui avaient déjà touché leur part. Chaque compagnon qui avait participé à l’assaut d’Aiguèze eut droit à trois salmées de blé tandis que les quatre capitaines et le bayle de Pons Biordon qui avait trahi son seigneur et livré le château aux révoltés se virent attribuer six salmées de ce même blé."
Des documents sur le site : http://www.persee.fr/doc/medi_0751-2708_1998_num_17_34_1418
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire