samedi 29 juillet 2017

PEPONNE ET DON CAMILLO AIGUEZOIS EN 1877 : UNE ANECDOTE DU RECATAIRE SUR LES RELATIONS PARFOIS TENDUES ENTRE MAIRE ET CURé !




Le jardin de la discorde

    Voici une très intéressante délibération du conseil de la Fabrique de la paroisse d’Aiguèze, prise en ce début de l’année 1877, démontrant bien l’animosité qui régnait alors entre le maire et le curé…

    Le maire d’alors était Casimir Roche, celui-ci occupa cette fonction de mars 1874 à janvier 1878. Ce maire, qui habitait l’actuelle maison Ventajol sur la place du village, n’était pas très porté sur la religion et avait souvent quelques accrochages avec le curé en place. Lors d’une réunion du conseil municipal prise sans avertir la population et dont le compte rendu fut antidaté d’une quinzaine de jours, il fut décidé d’ôter le jardin au curé pour en faire une cour d’école… D’après le maire ce curé n’avait pas à se plaindre puisqu’il possédait déjà un jardin sous la cure, que celui-ci fut minuscule et totalement inculte n’étant que détails n’entrant pas en considération. Notre pauvre curé, averti de l’opération qui de tramait, réunit en urgence le conseil de fabrique pour préparer la riposte afin de faire échouer le projet. Ce jardin qui avait été prêté au curé par la municipalité précédente était situé à l’emplacement actuel du lavoir communal. Les deux écoles de garçons et filles se trouvaient juste à côté, dans les locaux du rez-de-chaussée de l’actuelle mairie. On comprendra dès lors l’intérêt qu’il y avait à récupérer ce lopin de terre pour créer un lieu d’aisance pour les enfants, lieu indispensable et qui faisait tant défaut…

 Mais plus que des mots passons à l’acte :

« Réunion extraordinaire du conseil de la fabrique,

 L’an mil huit cent soixante-dix-sept et du mois de mars, le conseil de Fabrique de la paroisse d’Aiguèze s’est réuni à la cure en vertu d’une autorisation extraordinaire de Mr le sous-préfet d’Uzès en date de dix du courant pour donner son avis sur une délibération du conseil municipal d’Aiguèze à l’effet d’enlever le jardin de la cure. Etaient présents : Mr Jean Roche, président, Henri-Joseph Barnouin, secrétaire, André Lacour, trésorier, André Dufour, Taulelle, curé. Absents : Casimir Roche, maire, et Antoine Dufour. (Les deux absents faisant partie du conseil municipal…)


La séance étant ouverte, Mr le président a donné communication à l’assemblée d’une lettre de Mr le sous-préfet d’Uzès à lui adressée et notifiant une délibération du conseil municipal de ladite commune d’Aiguèze où il est proposé de faire servir de cour de récréation pour les deux écoles communales de garçons et de filles, l’un des jardins dont le curé a jouissance.


L'ancien jardin du curé, aujourd'hui espace du lavoir communal (photo du RECATAIRE)


La lettre sous-préfectorale porte que ledit conseil de fabrique devra délibérer sur l’objet même de la délibération municipale et faire connaître si le jardin en question est une dépendance de la cure, ou bien s’il est isolé et faisant partie d’un autre corps de logis. Mr le curé devra y joindre également son avis personnel.

Le conseil de fabrique après long et mur examen de la question, considérant que cette année 1877 la session municipale s’ouvrait le 4 février et devait durer pendant dix jours jusqu’au 14 du même mois, que la délibération municipale concernant le jardin portant la date du 10 du courant, alors qu’elle a été prise le 25 du même mois, ainsi que le prouveront certains conseillers municipaux, était à ce titre illégale et nulle.

Considérant que ladite délibération du conseil municipal est en outre illégale et nulle par un vice de convocation, la convocation s’étant faite de vive voix une heure et demi seulement avant séance et sans indication de matière des débats, alors que cette convocation doit se faire par écrit trois jours à l’avance et à domicile, selon la loi de l’organisation municipale du 5 mai 1858.

Considérant que l’allégation du conseil municipal prétendant qu’il existe un jardin derrière le presbytère pour s’autoriser à enlever celui que Mr le curé possède derrière l’école communale est un pur prétexte puisque ce prétendu jardin qui est situé derrière le presbytère et où se trouvent sept à huit arbres à fruits n’a qu’une petite contenance de trente-cinq mètre carrés, sans eaux d’irrigation avec un peu de terre sur les pentes abruptes des rochers de l’Ardèche, exposé aux brulantes chaleurs de l’été, aux frimas de l’hiver ainsi qu’au vent du nord, faisant périr les arbres eux-mêmes et faisant de très petit local non un jardin mais un véritable entrepôt ou décharge de la cure.

Considérant que les lieux d’aisances que l’on demande pour les petits garçons n’est encore qu’un prétexte puisque les petits garçons par détermination de Mr Roustan, inspecteur primaire, d’accord avec Mr le curé de la paroisse, vont satisfaire à leurs besoins naturels en un lieu qui est au-dessous du cimetière, trente à quarante mètres environ loin des écoles et du lieu d’aisance des filles par principe de moralité. Ce qui fait que les petits garçons et les petites filles ont leurs lieux d’aisances séparés avec précautions de moralité.

Considérant que la pensée de partager en deux compartiments avec muraille médiane pour avoir une cour de récréation des écoles n’est qu’une pure tracasserie, comme l’a prouvée l’indignation publique. De plus une demande parfaitement superflue et ridicule puisqu’après la division dudit jardin, chacune moitié ne donnerait pour chaque école pas même 84 mètres carrés, tandis que les écoles ont devant leur porte même un immense local, une vaste place publique où depuis fort longtemps les enfants folâtrent et se récréent selon les règles de l’hygiène et la surveillance de la moralité.

Considérant que ledit jardin dont on propose la conversion, séparé de la mairie par une ruelle et distant de la cure de trente à quarante pas et dépendant pas d’elle, n’était il y a dix ans qu’un local en friche. Qu’il fut défriché, complanté d’arbres à fruits, muni de pompes et de bassin d’irrigation, en un mot créé jardin aux frais de Mr le curé et que le lui enlever serait lui causer un véritable dommage et lui faire un affront immérité.

Considérant que les lois de l’état ne font pas une obligation aux communes de procurer jardin aux instituteurs et aux institutrices, ni qu’elles doivent enlever le jardin du curé parce qu’il se trouvera à côté des écoles et pour faire plaisir aux instituteurs et institutrices sur de fausses raisons (Article rayé…).

Considérant que l’ancien conseil municipal par le seul fait qu’il déduit ledit local à côté de l’école pour en faire un jardin ne l’aurait pas cédé à Mr le curé si le prétendu jardin qui est derrière le presbytère avait été véritablement un jardin, que dès lors en livrant cet emplacement verbalement il est vrai, le donnait néanmoins non à titre provisoire mais bien définitivement comme l’atteste encore ses membres pour en faire le jardin de la cure selon les dispositions de nos lois.

Considérant que les lois de l’état ont procurées et déterminées le jardin du curé comme une partie de la dotation des cures et que l’étendue de ce jardin doit contenir 25 ares et 54 centiares, c’est-à-dire 2554 mètres carrés, d’après les décrets du 3 novembre 1769 et décrets du 18 et 23 octobre 1790 articles 9 et 10. Que les articles disent en outre et en propres termes que les presbytères et les jardins attenants non aliénés seraient rendus aux curés et aux desservants des succursales et que à défaut de ces presbytères les conseils généraux des communes étaient autorisés à leur procurer logement et un jardin.

Que d’après l’article 92 du décret du 30 décembre 1805 les communes doivent au curé desservant à défaut d’un presbytère un logement, lequel logement selon la circulaire du 18 mai 1818 doit-être convenable et au terme de l’article 72 composé d’un jardin ainsi que le ministre l’a déclaré plusieurs fois.

Considérant que le jardin cédé par la commune à côté de l’école ne fait pas en tout 190 mètres carrés et que soustraction faite il revient encore en tout à Mr le curé une surface de terrain de 1372 mètres carrés, le demi arpent selon Lebonier et d’autres auteurs faisant 25 ares et 54 centiares.

Considérant enfin que la facile majorité de Mr le maire au conseil municipal est une majorité de famille, puisque sur dix conseillers municipaux il y en a sept parents ou alliés bien rapprochés du maire, et que dès lors il est moralement et physiquement impossible que la majorité passe jamais du côté de l’opposition sur quelque question que ce soit, ce qui est un danger pour les divers intérêts de la commune.

Le conseil de Fabrique par tous ces motifs et d’ailleurs vu la loi sur l’organisation municipale, vu le décret du 2 novembre 1789, vu le décret du 18 et 23 octobre 1790, vu l’article 72 des articles organiques, vu le décret du 30 décembre 1809, vu la circulaire du 18 mai 1818, s’inspirant des idées d’ordre, de convenance, de justice et de conciliation demande que les choses restent en l’état où elles sont, ou bien que la commune d’Aiguèze rende à la cure de cette paroisse le demi arpent mesure du roi prescrit par la loi. Signés Baume, Lacour, Roche, Dufour et Taulelle curé. » (Recopié textuellement : les fautes notamment d'accord n'ont donc pas été corrigées)

Lou Récataïre

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire